L’histoire est à peine croyable. Le 1er août 2020, l’hôpital Decazeville recrute un nouveau médecin urgentiste. Il s’appelle Rafiq Andri. Tout le monde l’appelle “Docteur”. Et pourtant, l’homme de 38 ans n’a rien à voir avec un médecin… Rapidement ses collègues se rendent compte de la “fraude”. Une plainte est déposée (voir encadré), mais l’homme s’envole vers d’autres cieux un mois seulement après son arrivée en Aveyron. Direction la Corrèze : Brive puis Tulle où il travaillera à nouveau comme urgentiste pendant un an ! Avant d’être rattrapé par la justice. Ce mardi, Rafiq Andri a été condamné par le tribunal de Tuli à quatre ans de prison, dont un avec sursis, pour exercice illégal de la médecine, faux et usage de faux. Il était détenu depuis 2021 dans le cadre de cette affaire, car en état de rechute : en effet ce n’était pas sa première tentative et il s’était déjà présenté comme un faux sauveteur, faux entraîneur national de natation, etc. Selon France 3, “les mairies de Gennevilliers, Sèvres ou Colombes en banlieue parisienne, mais aussi la CPAM de l’Yonne, le conseil de l’ordre national des médecins” ou encore “les thermes d’Aulus-les-bains en les Pyrénées” ils étaient, plus ou moins, associés à ses “talents”.

“Il suffit de déposer un CV en ligne pour être embauché…”

Comment cet homme, décrit comme doux et d’une assurance désarmante, a-t-il pu tromper tout le monde et l’hôpital de l’Aveyron ? D’abord grâce à la facilité particulière à produire, grâce à son ordinateur, de faux papiers d’identité et diplômes. Grâce à cela, il a postulé partout en attendant des réponses. « Il suffit de déposer un CV en ligne pour pouvoir reprendre contact et même se faire embaucher sans forcément passer un entretien téléphonique ou même un entretien en personne, ce qui est complètement aberrant ! », a déploré son avocat, Me Sofien Dridi, lors de l’audience, comme le rapportent nos confrères de France 3.

Il n’a jamais dépassé sa première année d’université.

Selon plusieurs témoignages lors du procès, le faux médecin souhaitait depuis longtemps exercer cette fonction. Il s’était également inscrit à la faculté de médecine de Paris puis de Bobigny. Jamais au-delà de la première année. Il entreprend alors de nouvelles études de médecine à l’étranger : Espagne puis Argentine. Mais là encore il n’avait pas réussi à valider son diplôme. “Des rapports psychiatriques montrent un homme narcissique, égocentrique, blessé par son échec et qui, faute de diplôme, s’est créé. Il est convaincu qu’il est capable et est probablement convaincu par ses propres mensonges », a expliqué à Actu Occitanie Maître Louise Arnal, avocate de l’Ordre des médecins. Rafiq Andri dispose désormais de dix jours pour faire appel de sa condamnation.

“On s’en est vite rendu compte”

Franck Becker, président du comité d’établissement médical (CME, structure regroupant des médecins) du centre hospitalier de Decazeville et chef du service des urgences se souvient de ce faux médecin qui a effectué quelques missions ponctuelles aux urgences de Decazeville en août 2020 : « Nous nous sommes vite rendu compte que quelque chose n’allait pas. Il a dit qu’il avait obtenu ses diplômes en Espagne. Mais quand nous lui avons soumis nos protocoles, il était évident qu’il se débattait et qu’il n’en était pas capable. Ses actions ont été examinées par un autre médecin. Et il n’a pas fait de sorties SMUR qui demandent un diplôme spécifique. Nous avons alors vérifié auprès des personnes listées dans les documents qu’il nous avait fournis et avons clairement vu qu’il y avait un problème. Notre conseil d’ordre a confirmé qu’il n’était pas médecin. Nous avons prévenu le commissariat et essayé de le faire rester en Aveyron jusqu’à ce qu’ils aient de ses nouvelles, mais il est parti… Ce sont des événements graves. J’ai été auditionné pour l’enquête, mais je suis désolé de ne pas avoir pu témoigner au procès.”