Posté à 5h00
Henri Ouellette-Vézina La Presse
“Au cours des cinq dernières années, nous avons vu que nous avons perdu 10 000 hectares en termes de terres agricoles”, a expliqué mercredi Mme Anglade en visitant la ferme de son candidat à Huntington, l’ancien député libéral. fédéral Jean-Claude Poissant, pour présenter ses promesses en matière d’agriculture. Mme Anglade et M. Poissant ont simultanément appelé à « limiter l’étalement urbain » sur les terres agricoles, citant notamment l’autorisation du gouvernement Legault du dézonage de 17 millions de pieds carrés de terres agricoles dans la MRC de Montcalm, au nord de Mascouche, comme rapporte La Presse en 2020. PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE La chef du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, visite la ferme Huntingdon de son candidat, l’ancien député libéral fédéral Jean-Claude Poissant Le libéral accuse le gouvernement Legault de constamment «gérer par décret» pour contourner la Commission de protection du sol de l’agriculture québécoise (CPTAQ) et ainsi «sacrifier» des terres fertiles à d’autres usages. Son parti promet de réformer la loi sur la protection des terres agricoles pour freiner l’étalement urbain sur les terres fertiles. Le candidat Poissant a aussi regretté que le Québec ait permis à Google de s’installer à Vaudreuil, malgré les conseils de la CPTAQ, en plus d’avoir approuvé l’installation d’un abattoir à Saint-Hyacinthe en zone agricole, alors qu’il reste de la place dans le parc industriel de cet endroit d’environ 57 000 habitants.
“Travail colossal”
Dans sa brochure électorale diffusée en août, l’Union des producteurs agricoles (UPA) confirme que « malgré son importance stratégique, la zone rurale continue d’être détruite par l’étalement urbain, l’activité des spéculateurs financiers et immobiliers, les industries et la construction d’infrastructures, entre autres d’autres pour le transport”. Au Québec, au cours des cinq dernières années, environ 10 000 hectares agricoles ont été sacrifiés à des usages autres que l’agriculture. Bien que le zonage complet ait diminué ces dernières années, inverser la tendance s’annonce comme une tâche colossale. Extrait de la brochure électorale de l’Union des producteurs agricoles Ultimement, « seul un plan de mise en œuvre ambitieux qui protège pleinement le territoire et les activités agricoles, accompagné d’indicateurs allant dans ce sens, garantira l’engagement réel du gouvernement québécois », affirme la direction des producteurs agricoles de l’Union. Pour contrer les profiteurs, l’UPA réclame aussi depuis longtemps l’interdiction d’acquérir des terres agricoles aux acteurs “non agricoles”, notamment issus des domaines ou fortunés. En 2021, la province a « passé un point de basculement » : la majorité des transactions foncières en zone agricole ont été réalisées par des acteurs non agricoles.
Rendre la terre rentable d’abord, dit l’expert
Le directeur du Laboratoire des sciences analytiques agroalimentaires de l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois, estime cependant que la disparition des terres agricoles est davantage due à un manque d’exploitation qu’à l’étalement urbain. « Il y a beaucoup de producteurs qui veulent exploiter plus mais qui n’ont ni les moyens ni le savoir-faire pour le faire. A mon avis, c’est là que réside le problème. Ce n’est pas tant l’étalement urbain qui est le danger », soutient-il. « Plus de soutien est nécessaire pour les producteurs afin de rendre les fermes plus efficaces, plus compétitives. Il faudrait peut-être inciter davantage les producteurs à élaborer un plan d’affaires qui peut éviter l’étalement urbain et protéger le territoire. Car ultimement, les villes et les MRC vendront toujours au plus offrant. Et pour qu’un terrain soit rentable, il faut qu’il soit exploité au maximum », poursuit M. Charlebois. L’UPA note également que « notre protection des casiers s’étend aux opérations acéricoles en forêt publique ». La Stratégie nationale de production de bois, mise en place en 2020, établit le potentiel de protection du sirop d’érable à seulement 24 000 hectares, « ce qui est nettement insuffisant pour assurer la pérennité de l’industrie », selon l’agence. Mercredi, Mme Anglade s’est pour sa part fermement opposée à l’idée de taxer les terres agricoles, une idée à laquelle rechigne Québec solidaire. “Quand on parle de relève agricole, de la nécessité d’avoir des jeunes qui veulent se lancer dans l’agriculture, vous ne pouvez pas me dire qu’on va taxer ces jeunes”, a-t-il plaidé.