Portée par une inflation record, la Banque centrale européenne (BCE) a envoyé un message fort jeudi 8 septembre en accélérant le resserrement de sa politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs de l’Institut monétaire a décidé de relever les taux directeurs de 75 points de base, pour la première fois en deux décennies d’existence – hormis un ajustement technique en 1999. Comme référence dans un contexte de liquidité abondante, le taux des dépôts bancaires à la BCE est passé de -0,5% à 0% en juillet, revenant à 0,75%. Les deux autres taux directeurs, celui appliqué aux banques pour les opérations de refinancement sur plusieurs semaines et celui visant la facilité marginale de financement journalière, s’établissent respectivement à 1,25% et 1,50%. Ces hausses de taux devraient encourager l’épargne et réduire la consommation pour réduire la pression sur les prix. Lire aussi : L’article est destiné à nos abonnés La Banque centrale européenne va annoncer une nouvelle hausse des taux qui aura des effets bien précis
La zone euro risque une “récession” d’ici 2023 en cas de “coupure totale” des livraisons de gaz russe, a averti la présidente de la BCE Christine Lagarde lors d’une conférence de presse. Un “scénario pessimiste” des prévisions élaborées par l’institution monétaire, “incluant un arrêt total des livraisons de gaz russe”, prévoit une “récession pour 2023”, a-t-il dit. “Nous y sommes presque” après la fermeture du gazoduc Nord Stream, a ajouté Mme Lagarde.

Forte inflation pendant longtemps

En juillet, la BCE a tenu bon en annonçant une hausse surprise de 50 points de base, alors que 25 étaient attendus. Cette première hausse en plus d’une décennie est intervenue après une longue période d’argent bon marché qui a contribué à stimuler l’économie. La promesse était alors de faire de même en septembre, à moins que les pressions inflationnistes ne s’atténuent. Les prix de l’or ont augmenté en août pour atteindre un record de 9,1 % en glissement annuel dans la zone euro, bien au-dessus de l’objectif de 2 % de la BCE. De nouvelles tensions sur les prix de l’énergie suite à l’arrêt total des approvisionnements en gaz russe vers l’Europe laissent même présager une inflation à deux chiffres à l’automne. A ce titre, la baisse attendue des prix se fera attendre depuis longtemps, comme en témoignent les nouvelles prévisions d’inflation présentées jeudi, qui ont nettement augmenté jusqu’en 2024. Le total, selon la BCE, devrait monter à 8,1 % en 2022, avant de ralentir à 5,5 % en 2023 et 2,3 % en 2024. La croissance du PIB est toujours attendue à 3,1 % cette année, avant de retomber à 0,9 % en 2023, beaucoup moins. que prévu dans la dernière série de projections publiée en juin. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’inflation à 10% dans la zone euro

ligne dure

Plus d’inflation et moins de croissance : c’est dans ce contexte sombre que la ligne dure défendue notamment par l’Allemande Isabel Schnabel, puissante membre du directoire de la BCE, a pesé sur les décisions du jour. Il faut faire preuve de “résolution” face à la flambée des prix et ce “même au risque d’une croissance plus faible et d’un chômage plus élevé”, exhortait Mme Schnabel fin août. Ce qui compte, c’est que le public garde “la confiance dans notre capacité à maintenir notre pouvoir d’achat”, a-t-il insisté. Jusque-là, le dilemme entre la hausse des prix et les craintes d’une récession a entravé l’action de la BCE, tandis que d’autres grandes banques centrales ont entamé le cycle de resserrement des taux. Au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE, une fraction des décideurs a défendu une action “progressive” sur les hausses de taux, menée par l’économiste en chef Philip Lane. Mais cette tribu s’est avérée minoritaire, alors même que le lot de nouvelles troublantes s’accumulait dans la zone euro. La faiblesse de l’euro, qui a chuté sous la barre des 0,99 $ lundi, aurait pu être un autre argument en faveur d’un coup dur pour la devise. Un euro faible augmente le coût des biens importés, ce qui alimente l’inflation. Lire aussi : L’article est destiné à nos abonnés La faiblesse de l’euro, symbole du ralentissement de l’économie
Les taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine (Fed) oscillent déjà entre 2,25 % et 2,50 % et une hausse de 75 points de base est prévue le 21 septembre. La Fed doit agir de manière décisive contre l’inflation pour éviter les conséquences douloureuses pour les ménages de la poursuite de l’escalade des prix comme ils l’ont fait à la fin des années 1970 et au début des années 1980, a déclaré jeudi le président de la Fed, Jerome Powell. “Nous pensons que nous pouvons éviter le genre de ‘coûts sociaux très élevés’ que la Fed a dû imposer à l’époque pour réduire l’inflation et créer une longue période de stabilité des prix”, a ajouté le président de la banque centrale américaine lors de la conférence monétaire annuelle du Cato Institute. . Les États-Unis ont connu une période de très forte inflation dans les années 1970, et ce jusqu’au début des années 1980. La hausse des prix avoisine les 15 % en un an. Quant à la BCE, ce resserrement de septembre en appelle à plus lors de deux réunions à suivre avant la fin de l’année, selon les observateurs. Cependant, une hausse agressive des taux par la BCE augmenterait les conditions d’emprunt des pays vulnérables de la zone euro comme l’Italie. L’institut devra peut-être tôt ou tard concevoir son nouvel outil, dévoilé cet été, pour éradiquer les attaques spéculatives sur la dette profonde, selon Holger Schmieding, économiste chez Berenberg. A lire aussi : Article destiné à nos abonnés “L’inflation oblige essentiellement les autorités monétaires à naviguer de front”
Le monde avec l’AFP