Dans le procès pour mutilation des dents, Lionel et Carnot Guedj, le fils et le père, anciens dentistes marseillais, ont été condamnés respectivement à huit et cinq ans de prison jeudi 8 septembre et ont été immédiatement placés en garde à vue. Main dans la main, dissimulés derrière des masques chirurgicaux, le fils, 42 ans, et le père, 71 ans, ont écouté la longue et écrasante motivation du tribunal correctionnel de Marseille. Pour les procureurs, les deux hommes avaient créé un “système” de “traitements uniformes et systématiques”, sans justification médicale, dans le seul but de “détourner des bénéfices”. Et la peine a été maintenue : huit ans pour Lionel Guedj, cinq pour son père. Une décision qui a été saluée par les applaudissements de la centaine de plaignants présents dans le public. Mais cette réaction a été aussitôt interrompue par la présidente, Céline Ballerini, pour qui “on ne devrait jamais se contenter d’une peine de prison”. La juge a ensuite poursuivi sa longue motivation, avec beaucoup de pédagogie, expliquant que ces peines étaient justifiées par “le nombre de victimes”, la durée des faits [six ans], “le préjudice très grave” de la Sécurité sociale et les “sommes très importantes engagées pour la réinsertion” de leurs patients. En émettant une interdiction permanente de la profession, il a estimé qu’ils avaient “abusé” du “statut respectable de savoir qui alourdit” leurs dossiers.

“Nous avons été rendus justice”

Si ce jugement est jugé “difficile” du côté de la défense, qui fera appel, du côté des victimes “un poids va”. “La peine est lourde et critiquable en termes de proportionnalité”, a commenté l’avocat de Lionel Guedj, Me Frédéric Monneret. Mais pour Noël Kouici, qui a “déjà” un dentier, à 52 ans, “on nous a rendu justice, on n’a pas été laissés comme les gens des quartiers nord, on nous a respectés”. Messauda avait douze dents mortes dans le cabinet de Guedj : “C’est la bonne justice à laquelle je ne croyais plus”, commente-t-elle avec soulagement. “Ils se sont réconciliés avec l’institution”, a commenté Me Marc Ceccaldi, avocat d’une soixantaine de victimes, pour qui la “sévérité” des peines est “à la mesure de la gravité des faits”. Un sentiment d’écoute, donc, du public, mais aussi un soulagement, car ces condamnations ouvrent la voie à une indemnisation, après dix ans d’attente, d’autant que Guedj ne fera pas appel aux intérêts civils. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans le procès des dentistes de Marseille, le défilé des victimes : “Ça a tout coupé, j’ai fini avec les dents d’une souris”

Le dentiste le mieux payé du pays

Placés sous contrôle judiciaire depuis leur mise en examen en novembre 2012, Lionel et Carnot Guedj n’avaient pas passé un seul jour en garde à vue. Jeudi après-midi, ils passeront leur première nuit derrière les barreaux, à la prison de Draguignan, où ils seront placés à l’isolement. Tellement loin de Marseille, où Lionel Guedj s’était installé en 2005, dans les quartiers nord, parmi les plus pauvres de la ville. Venu pour “rayer la CMU” (couverture médicale universelle), il avait frappé le parquet dans l’audience, au printemps, soulignant que depuis 2010 le médecin en question était devenu le dentiste le mieux payé de France, avec des honoraires de 2,9 millions. euros. Selon le calcul du parquet, ce jeune dentiste a caractérisé avec bonheur 3 900 dents saines entre 2006 et 2012, sans aucune justification thérapeutique, chez 327 patients, dans le seul but d’y poser des bridges très rentables. Il a posé vingt-huit fois plus de prothèses dentaires que le dentiste français moyen, selon la sécurité sociale. Et le père “n’a pas freiné” le fils, “au contraire, il a marché dans ses pas”, a apprécié jeudi le président. Lire aussi Article destiné à nos abonnés A Marseille, derrière les “sourires des stars” promis par le dentiste, une frénésie injustifiée de prothèses
Le parquet avait requis dix ans de prison contre Lionel Guedj, la peine maximale, et cinq ans de prison, dont un an avec sursis, contre son père. En quittant l’ancienne caserne où s’est tenu ce procès extraordinaire, le véhicule de police qui les a conduits dans leurs cellules a été accueilli par des acclamations. Loin du calme de six semaines de pourparlers, il y a cinq mois. Le monde avec l’AFP